La Terre, une exception ? 2018-04-27T15:49:44+00:00

La Terre des origines

La présence d’eau, le climat, l’atmosphère, la tectonique des plaques, la formation et la dérive des continents : autant de rétroactions qui ont favorisé,  dès les premiers temps de la Terre, la mise en place d’un contexte favorable à la vie. Et son maintien, en dépit des cataclysmes qui ont frappés la Terre et des cinq grandes extinctions que le vivant a connues.

Vue d’artiste de l’éon Hadéen, la Terre primitive.
© WC/T. Bertelink/CC BY-SA 4.0

© WC/Domaine public

Animation montrant la formation de la croûte océanique et la séparation de l’Afrique et de l’Amérique.

© WC/NOAA

Une histoire géophysique mouvementée

Les recherches visent à mieux comprendre les interactions actuelles et passées entre la géosphère et la biosphère ou comment la Terre et la vie se sont influencées mutuellement au cours des temps géologiques, conduisant au système « Terre/vie » actuel.

Du fond des océans à la surface des continents, aujourd’hui, le vivant a colonisé tous les milieux, même les plus extrêmes. Pourtant, la Terre primitive ne ressemble en rien à celle que nous connaissons actuellement : c’est une planète-océan au climat très chaud, dépourvue d’oxygène, bombardée de météorites et détrempée de pluies acides. Les plus anciennes traces biologiques sont datées de 3,5 milliards d’années. D’autres, encore contestées, dateraient de 3,8 milliards d’années. Comment la vie a-t-elle pu émerger dans un tel enfer ?

Vue d’artiste de la collision d’un planétoïde avec la Terre primitive.
© WC/Domaine public

 

La Terre, magnétique et attractive

Notre planète se trouve à bonne distance du Soleil pour que l’eau à l’état liquide puisse s’y maintenir. De plus, la Terre est dotée d’un intense champ magnétique, contrairement à ses deux plus proches voisines, Vénus et Mars. Ce champ magnétique la protège des particules chargées et des radiations issues du rayonnement solaire. Ce bouclier, produit par la dynamo terrestre – la géodynamo – des mouvements rapides d’énormes quantités d’alliage de fer liquide dans le noyau externe de notre planète –, aurait également permis le maintien de son atmosphère. A l’inverse, Mars, dépourvue d’atmosphère, n’a pas pu garder de l’eau liquide ; elle est trop peu massive pour avoir un champ magnétique permanent : son atmosphère s’est évaporée.

Autre singularité: la présence de la Lune, un satellite naturel massif, fruit de la collision entre la Terre et un corps de la taille de Mars baptisé Théia. La Lune est une sorte de balance gravitationnelle qui empêche la Terre de basculer sur son axe. Sans elle, notre planète serait soumise à des bouleversements, notamment climatiques : elle tournerait plus rapidement, les jours seraient plus courts, le climat plus marqué et changeant. L’influence de la Lune sur la Terre dépasse donc largement le simple cas des marées…

L’utilisation de l’énergie du Soleil a conduit à plusieurs changements majeurs de la vie sur Terre.
© WC/CC BY-SA 3.0

Simulation numérique haute définition du noyau terrestre : coupe dans le plan de l’équateur montrant les panaches chauds (bleu) et froids (or) qui animent le noyau de la Terre de mouvements de convection, à l’origine du champ magnétique terrestre.
© N. Schaeffer/ISTERRE/CNRS Photothèque

Lever de Lune au-dessus du glacier de l’Astrolabe, en Antarctique.
© B. Jourdain/IPEV/LGGE/CNRS Photothèque

Enfin, la Terre profite de la présence de la planète la plus massive du système solaire : Jupiter. Dotée d’un champ gravitationnel colossal, la géante gazeuse joue elle aussi un rôle de bouclier en attirant à elle la majorité des petits corps célestes. Cette ceinture d’astéroïdes, le « pot-pourri » du système solaire, a évité à la Terre de subir de trop nombreux épisodes de bombardements massifs, tel que celui qui a conduit à la disparition des dinosaures.

Le centre de gravité du système solaire. Mouvement des 9 planètes rapporté à leur centre de gravité, et sa trajectoire par rapport à Jupiter et Saturne.
© J.-F. Colonna/CNET/Lactamme/CNRS Photothèque

Schéma du Système solaire interne, jusqu’à l’orbite de Jupiter, faisant apparaître les orbites des planètes internes et la position approximative du cœur de la ceinture d’astéroïdes ; les astéroïdes troyens sont également représentés.
© WC/Nasa

Comment l’eau est-elle arrivée sur Terre ?

Carte mondiale de la présence de gisements de zircon (points rouges). Les zircons sont des marqueurs de la présence d’eau liquide sur la jeune Terre (Hadéen).
© WC/Karacic/CC BY-SA 4.0

Lors du bombardement primitif, astéroïdes, comètes et autres objets célestes glacés se sont abattus sur la Terre. Lorsque celle-ci commence à se refroidir, toute l’eau accumulée sous forme de vapeur dans l’atmosphère, ou apportée par la matière interstellaire, se condense et forme les océans : découverts sur le site australien de Jack Hills, des zircons vieux de 4,4 milliards d’années, datant de l’Hadéen donc, indiquent que seulement quelques dizaines de millions d’années après s’être formée, la Terre était déjà recouverte d’eau. En effet, les zircons sont des minéraux dont la cristallisation ne peut se faire qu’en présence d’eau liquide.

Un deuxième bombardement va frapper la Terre, aux alentours de 4,1 à 3,8 milliards d’années – les cratères que l’on observe sur la Lune, formée il y a 4,53 milliards d’années, ou sur Mercure, témoignent de cet événement – l’eau des océans serait alors montée jusqu’à 80°C. Or, les plus anciennes traces de vie, encore contestées, remontent à la fin du grand bombardement tardif. Si ces deux cataclysmes ont pu transporter sur Terre de l’eau et des éléments essentiels à la vie, ils brouillent les pistes: ils ont probablement effacé toutes traces organiques les séparant. Mais l’analyse des roches peut révéler de nombreux indices sur certaines des conditions qui régnaient alors…

Face cachée de la Lune. On y distingue de nombreux cratères, vestiges d’un intense bombardement aux alentours de 4,1 à 3,8 milliards d’années.
© WC/Nasa

Où la Terre a-t-elle puisé son eau ?

Série : Les dessous de la planète
Auteurs : Thomas Alexandre, Daniel Fiévet – Réalisateurs : Daniel Fiévet, Olivier Le Bihan
Producteur : CNRS Images (2008)

Le système-Terre primitif

Depuis 4 milliards d’années, le climat de la Terre est remarquablement stable…et propice à la vie. L’un des responsables en est le Soleil.

Coucher de soleil depuis les falaises de Flynns Grave, à quelques kilomètres de la base de lancement d’Alice Springs.
© S. Chastanet/CNES/OMP/IRAP/UT3 /CNRS PHOTOTHEQUE

Notre étoile produit de plus en plus d’énergie : 7% de plus par milliard d’années. Mais, lors de la formation de la Terre, le Soleil était 30% moins puissant. Notre planète aurait donc dû s’englacer durablement dans sa « jeunesse ». Et empêcher – ou nettement réfréner – l’épanouissement de toute forme de vie. Un paradoxe qui s’explique par le bilan radiatif de la Terre : le climat d’une planète dépend de la différence entre l’énergie reçue du Soleil et celle renvoyée vers l’espace par les continents, les océans et l’atmosphère.

Sur Terre, dès l’origine, l’atmosphère a joué le rôle d’une couverture chauffante pour pallier la « faiblesse » du Soleil jeune grâce à la présence de trois gaz à effet de serre, le méthane, le dioxyde de carbone, et dans une moindre mesure la vapeur d’eau. Le climat de la Terre résulte ainsi de l’équilibre entre des sources, qui émettent des gaz à effet de serre, et des puits, qui les soustraient de l’atmosphère. Sur notre planète, le CO2 a pour principale source naturelle le volcanisme, tandis que son puits principal repose sur l’érosion des roches continentales sous l’effet du ruissellement des eaux. En réagissant avec la roche, le CO2 est soustrait à l’atmosphère et fixé sous forme de carbonates qui vont s’accumuler comme sédiments sous-marins.

Protubérance solaire active photographiée au spectrohéliographe de l’Observatoire de Paris à Meudon.
© Observatoire de Paris/INSU/CNRS Photothèque

L’atmosphère terrestre.
© WC/CC BY-SA 2.0

Quantité moyenne de vapeur d’eau atmosphérique.
© WC/Nasa

Il y a plus de 3 milliards d’années, le volcanisme était déjà actif mais les surfaces continentales étaient encore significativement réduites et l’érosion demeurait négligeable : la concentration atmosphérique en CO2 était donc très élevée. Les géologues estiment que les continents ont commencé à se stabiliser il y a 3,8 milliards d’années*. Mais il est probable que l’hydrothermalisme puissant qui régnait à la surface de la jeune Terre a pu favoriser la formation d’îlots volcaniques il y a 4,3 milliards d’années. De surcroît, c’est au début de l’Archéen (3,8-2,5 GA) que seraient apparues les archées méthanogènes – des microorganismes unicellulaires qui produisent du méthane, dont l’effet de serre est 30 fois plus puissant que celui du CO2. L’accumulation de ces deux gaz dans l’atmosphère terrestre primitive explique pourquoi notre planète était si chaude dans sa jeunesse…La couche d’ozone ne se forme que depuis plus de 2 milliards d’années, lorsque l’oxygène est devenu permanent, avec une concentration de l’ordre du pourcent…


*Le paléomagnétisme a ses limites : il est difficile pour les chercheurs de remonter la chronologie de l’emplacement des continents au-delà de 1,5 milliard d’années…

Le Soleil et l’effet de serre naturel.
Extrait de « Le climat de la Terre », CNRS/sagascience.www.cnrs.fr/climat.

© CNRS/sagascience

A quoi ressemblait la Terre dans sa jeunesse ?

Série : Les dessous de la planète
Auteurs : Thomas Alexandre, Daniel Fiévet – Réalisateurs : Daniel Fiévet, Olivier Le Bihan
Producteur : CNRS Images (2008)

La montée de l’oxygène

Durant ses deux premiers milliards d’années, notre planète est restée anoxique : l’oxygène n’y est présent qu’à l’état de traces et constitue un poison violent pour les formes de vies anaérobies qui prospéraient à l’époque, notamment les archées méthanogènes.

Or, il y a 2,4 milliards d’années, on observe une augmentation globale de la concentration d’oxygène : c’est ce qu’on appelle le Grand Événement d’Oxydation (GEO). Ce phénomène est probablement la conséquence de l’apparition des cyanobactéries, des micro-organismes dotés d’un nouveau métabolisme, la photosynthèse, dont l’oxygène constitue un déchet. En s’accumulant, il va éradiquer la plupart des archées méthanogènes qui peuplaient l’océan primitif, mettant à l’arrêt la production de méthane. De plus, le méthane présent dans l’atmosphère va réagir avec l’oxygène et se transformer en CO2, dont l’effet de serre est bien moins puissant. S’ensuit un fort refroidissement, amplifié lui-même par l’augmentation de l’albédo – la capacité de la surface terrestre à réfléchir les rayons solaires vers l’espace – dû à l’apparition de glace. Le phénomène s’emballe alors jusqu’à l’englacement presque total de la Terre. Cet épisode, qui dure près de 300 millions d’années, est appelé glaciation Huronienne.

C’est un tournant décisif pour le vivant : un cataclysme pour les organismes anoxiques, une aubaine pour les organismes photosynthétiques. Cet événement va transformer la composition de l’atmosphère : le développement de ces colonies bactériennes participe à la baisse du CO2 et à la production d’oxygène. Selon les travaux menés par Abderrazak El Albani, chercheur à l’Institut de chimie des milieux et matériaux, sur des sédiments gabonais, la concentration en oxygène de l’atmosphère aurait donc atteint un premier pic il y a 2,1 milliards d’années… et permis le développement des tout premiers organismes pluricellulaires

Candidatus Gloeomargarita lithophora, une nouvelle espèce de cyanobactérie mise en évidence dans des stromatolithes recueillis dans un lac de cratère mexicain et cultivées en laboratoire.
© K. Benzerara/S. Borensztajn/CNRS Photothèque

Coupe de cellule de Prochlorococcus en microscopie électronique à transmission. Cette cyanobactérie marine est l’organisme photosynthétique le plus petit (un demi-micromètre) et le plus abondant sur Terre.
© F. Partensky/W. Li Kw/CNRS Photothèque

Coupe d’une bactérie. Les bactéries sont des cellules procaryotes, entités plus simples que les cellules eucaryotes mais pourvues de tous les processus biologiques vitaux. Elles se différencient de celles-ci par l’absence d’organites intracellulaires, et en particulier du noyau. Ces cellules comportent à leur surface des flagelles leur permettant de se déplacer.
© CNRS/sagascience – réalisation : Blueberry Interactive

Une cellule végétale, cellule eucaryote. Ces cellules se différencient des cellules animales, autres cellules eucaryotes, par quelques éléments comme la présence d’une vacuole, une paroi faite de protéines et de cellulose (paroi pectocellulosique) qui se superpose à la membrane plasmique et d’organites, en particulier les chloroplastes qui contiennent la chlorophylle, pigment qui intervient dans la photosynthèse.
© CNRS/sagascience – réalisation : Blueberry Interactive

Une cellule animale, cellule eucaryote. Une caractéristique importante des cellules eucaryotes est leur compartimentation en organites spécialisés au sein desquels se déroulent des processus métaboliques spécifiques. Parmi ces organites on trouve le noyau, qui héberge l’ADN de la cellule.
© CNRS/sagascience – réalisation : Blueberry Interactive

Une vie, quelque part au Gabon

Extrait du film « Une vie quelque part au Gabon, il y a deux milliards d’années… »
Réalisateur : Claude Delhaye
Producteur : CNRS Images (2010)

Quand la Terre s’est à nouveau englacée…

Au cours du dernier milliard d’années, la Terre va connaître deux autres épisodes de glaciation globale : la glaciation sturtienne, qui s’enclenche il y a 720 millions d’années, et, après un bref épisode interglaciaire, la glaciation marinoenne qui s’achève il y a 635 millions d’années.

Vue d’artiste de la Terre englacée.
© WC

Pourtant, il y a 700 millions d’années, le Soleil est à 94% de sa puissance actuelle. Cette fois-ci, c’est le moteur à CO2 qui va lâcher. Il y a 800 millions d’années, le supercontinent Rodinia – qui s’était constitué 500 millions d’années plus tôt – commence à se disloquer le long de la bande tropicale. Ces mouvements tectoniques s’accompagnent de gigantesques éruptions volcaniques qui vont recouvrir de basaltes d’immenses régions.

Cet événement majeur s’accompagne de l’ouverture d’océans et de bras de mer, engendrant de nouvelles sources d’humidité à proximité des continents. Cela va entraîner une augmentation des précipitations et du ruissellement sur les continents et donc un accroissement de l’érosion des roches continentales. Les roches basaltiques récemment formées s’altérant 6 à 8 fois plus vite que le granit, une grande partie du CO2 atmosphérique disparaît dans ce puits. Il y a 750 millions d’années, la concentration atmosphérique de gaz à effet de serre baisse à tel point que la Terre a perdu environ 50°C de température moyenne. Les calottes polaires ont alors atteint l’équateur…

En savoir + : Quand la Terre était une boule de neige

Et le vivant dans tout ça ?

Pour Gilles Ramstein, climatologue au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, dans l’hypothèse d’une Terre totalement glacée, la vie qui s’était maintenue dans les océans aurait dû être asphyxiée… Mais, selon les chercheurs, la Terre n’était pas totalement recouverte de glace, grâce notamment aux sources chaudes et aux volcans. La vie a ainsi pu se réfugier dans des cryoconites, sortes de marmites qui forment des trous dans la glace. Ce qui était suffisant pour permettre des échanges entre l’atmosphère et les océans et une continuité de la vie jusqu’à la déglaciation…Dans le système solaire, on explore aujourd’hui Europe et Encelade, des satellites gelés qui nous renvoient, finalement, au propre passé de notre planète…

C’est dans cet environnement et sous ses conditions, à la fois propices et hostiles, que le vivant a pu évoluer et dû s’adapter. Déterminer avec précision où, quand et comment la vie est apparue sur Terre relève de la gageure. Mais la vie laisse des traces. Et ce sont ces traces qui permettent aux chercheurs de remonter le fil de l’histoire du vivant.

Europe, satellite naturel de Jupiter, vu de la sonde Voyager.
© WC/Nasa/C. J. Hamilton

La Terre, un scénario original ?

Sommes-nous seuls dans l’Univers ? ou bien la vie a-t-elle pu émerger sur d’autres planètes, sous d’autres conditions ? Difficile, pour l’instant, d’être catégorique…

Diagramme visualisant la zone habitable, donc de vie potentiellement possible, pour différentes tailles d’étoiles.
© WC/Nasa

La Terre devrait son statut particulier de planète habitée au fait qu’elle se trouve non seulement dans la zone habitable du Soleil, mais également dans celle de la Voie lactée. La présence de notre planète dans cette région extrêmement limitée, en forme de tore dans le disque galactique, lui garantirait d’être à la fois suffisamment éloignée du centre galactique pour échapper aux conséquences de trop fréquentes explosions d’étoiles dans le voisinage du Soleil, mais pas trop loin où les éléments lourds, notamment le carbone, sont trop rares.

Mais ces arguments sont loin de convaincre la totalité des scientifiques. De même, le risque de voir basculer la Terre sur son axe en l’absence de Lune ne vaut que parce que sa période de rotation sur elle-même est de 24 heures. Or ceci est une conséquence de l’impact qui a justement conduit à la formation de notre satellite naturel. Autrement dit, sans cet épisode, la durée du jour serait différente, sachant qu’il existe une large plage de vitesses de rotation compatibles avec la stabilité de l’axe terrestre.

Petite partie de la Voie lactée, vue de la base Concordia, en Antarctique.
© P. Robert/OTELo/CNRS Photothèque

De même, si Jupiter protège la Terre de trop fréquentes collisions avec des astéroïdes, la géante gazeuse est aussi l’un des facteurs majeurs du caractère instable de la dynamique du Système solaire. De fait, les astrophysiciens ont noté que les systèmes sans géante sont mécaniquement moins excités, et par conséquent moins sujets à voir des petits corps croiser périodiquement l’orbite de leurs planètes.

Nuages dans l’hémisphère nord de Jupiter, photographiés par la sonde Juno en octobre 2017.
© WC/Nasa

Quant au champ magnétique de la Terre, est-il si indispensable à la vie ? Sur Mars, par exemple, le lien entre arrêt du champ magnétique et disparition de l’atmosphère n’est qu’une hypothèse. Selon certains spécialistes, celui-ci aurait tout aussi bien pu être piégé dans la roche sous la forme de carbonates, sans aucun lien avec l’activité magnétique de la planète. Quant à la question de la protection contre les rayons cosmiques, elle ne se pose que pour une vie de surface. Or, sur la Terre, impossible d’omettre qu’elle a été confinée au fond des océans pendant 3 milliards d’années.

Enfin, si la tectonique semble avoir joué un rôle important pour permettre à la vie de s’enraciner intensément et durablement sur la Terre, rien n’indique qu’elle fut indispensable à son apparition.

Modélisation de l’écoulement du noyau liquide conducteur, pour l’étude de la « dérive vers l’ouest », du champ magnétique terrestre. Les rubans marquent le mouvement du fluide vers l’ouest. Le bleu et le rouge indiquent les fluides allant vers l’ouest ou l’est.
© J. Aubert/CNRS Photothèque

A la recherche d’autres mondes

Depuis la découverte des premières exoplanètes, en 1995, on sait que la galaxie renferme des milliards de planètes.

Ces milliards de planètes, dont une fraction significative de la même taille ou de la même masse que la Terre, sont situées dans la zone habitable de leur système, c’est-à-dire à une distance de leur étoile telle que de l’eau liquide peut potentiellement exister à leur surface.

Et encore, on ne compte pas là les planètes qui, loin de la zone habitable de leur étoile, pourraient abriter la vie dans les profondeurs d’un océan sous-glaciaire, comme Europe, l’une des lunes de Jupiter. Les planètes candidates à la vie semblent potentiellement innombrables, ne serait-ce qu’au sein de la Voie lactée.

Pour autant, plusieurs scientifiques ont depuis longtemps fait remarquer que la Terre pourrait constituer une singularité cosmique à bien des égards. Comme elle, Vénus et Mars sont situées dans la zone habitable du Soleil. Or la première est un enfer brûlant et la seconde un désert glacé…

La planète Mars.
© WC/K. Gill

La planète Vénus, la plus chaude du système solaire.
© WC/Nasa

Le remarquable perfectionnement des instruments d’exploration, des télescopes aux sondes spatiales,  et de nos connaissances sur la formation des objets célestes, a relancé la quête d’autres mondes.

De formes de vie, nous ne connaissons que les nôtres, fruits d’une évolution de près de 4 milliards d’années. Sans interruption, mais non sans bouleversements ni déséquilibres. La Terre se distingue, pour l’instant, par la réunion de conditions idéales pour le vivant : l’énergie solaire, la tectonique des plaques, les cycles de l’eau et du carbone. Des conditions idéales pour le vivant et probablement au fondement de la vie. A cela s’ajoute une fabuleuse capacité de régulation, de la Terre au vivant, du climat à la composition de l’atmosphère.

A ce jour, les projecteurs – télescopes terrestres et en orbite – sont braqués sur l’univers, dans d’autres galaxies, sur d’autres planètes, et, dans notre système solaire, sur plusieurs candidats : Mars, pour la vie passée, mais aussi sur certains satellites gelés qui nous rappellent notre Terre lorsqu’elle était une boule de neige.

Pour Europe, qui gravite autour de Jupiter,  et Encelade, autour de Saturne, « leurs océans ne seraient qu’à quelques dizaines de kilomètres sous la glace, directement au contact du manteau rocheux sous-jacent », indique Hervé Cottin du Laboratoire inter-universitaire des systèmes atmosphériques. Il n’est donc pas exclu que des formes de vie aient pu émerger dans les océans sous glaciaires de ces deux satellites glacés… « Malheureusement, les moyens technologiques actuels ne permettent pas d’y envoyer des robots pour forer dans ces glaces et explorer ces océans lointains », ajoute-t-il. En explorant l’environnement d’Europe, de Ganymède et de Callisto, la prochaine mission JUICE (Jupiter Icy Moon Explorer), prévue pour 2022, avec une arrivée dans le système de Jupiter vers 2029, pourrait néanmoins apporter de nouvelles réponses…

Egalement prévu, pour 2020, le second volet de la mission européenne ExoMars – après le demi-succès de l’atterrisseur Schiaparelli en octobre 2016, devrait toutefois nous aider à en savoir plus, grâce à l’envoi sur la planète rouge d’un véhicule d’analyse du sol doté d’une foreuse qui pourra prélever des échantillons jusqu’à deux mètres. A cette profondeur, d’éventuelles traces de vie ancienne pourraient avoir été préservées de l’effet destructeur des rayonnements et des oxydants.

Photomontage de l’atterrisseur Schiaparelli, développé par l’ESA, arrivant sur le sol martien. Dans la réalité, Schiaparelli s’est écrasé sur Mars en 2016 en raison de l’échec de la procédure de freinage.
© WC/Rlevente

En savoir + : L’Europe remet le cap sur Mars

L’eau ou la vie

Série : Des étoiles plein les yeux
Auteur : Paul de Brem – Réalisateurs : Olivier Le Bihan, Paul de Brem
Producteur : CNRS Images (2009)

Dans le même temps, la mission d’exploration Mars2020, pilotée par le Jet Propulsion Laboratory de la Nasa vise quant à elle à analyser, à distance, les roches martiennes, mais également à détecter d’éventuelles formes de vie passées. Pour cela, l’instrument SUperCam – développé en collaboration par le Los Alamos National Laboratoryaux Etats-Unis, l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP) en France et l’université de Valladolid en Espagne – fournira des éléments sur la composition minérale des roches martiennes et détectera d’éventuelles traces de molécules organiques. SUpercam est un des sept instruments scientifiques embarqués à bord du rover de Mars2020 dont l’atterrissage est prévu début 2021.

Illustration SuperCam vue arrière et position de divers de ses instruments
© IRAP

« Actuellement, les atmosphères sont notre principale fenêtre observable sur la physique et la chimie des exoplanètes, et ce sont elles qui vont nous apporter beaucoup d’informations sur la nature planétaire » explique Vincent Bourrier, astrophysicien à l’Université de Genève. Les différents éléments qui composent l’atmosphère vont produire des signatures différentes selon leurs propriétés (abondance, température, vitesse, densité). En analysant ces signatures, on peut donc sonder des régions différentes de l’atmosphère planétaire, reconstruire sa structure, sa composition chimique… et détecter de potentielles traces chimiques de la vie. Lorsque la lumière émise par l’étoile traverse l’atmosphère d’une planète, certaines longueurs d’onde bien particulières sont absorbées, ce qui donne une signature qui caractérise l’atmosphère en question, laissant ainsi son empreinte unique que les chercheurs peuvent étudier à l’aide d’un spectrographe. Cette empreinte permet d’extraire les signatures des différents éléments et molécules.

Des ingénieurs face au JWST
© NASA–C. Gunn

C’est l’analyse de la lumière transmise lors du transit qui donne des informations sur cette atmosphère. Cette exploration des atmosphères des planètes extrasolaires n’en est qu’à ses débuts. Le télescope JWST (James Webb Space Telescope), qui doit succéder en 2020 au télescope spatial Hubble, permettra aux chercheurs d’aller encore plus loin.

Remonter le temps

Néanmoins, un paramètre vient compliquer la tâche : explorer l’univers, c’est voir dans le passé. Lorsque l’on observe au loin, on remonte le temps. La vitesse de la lumière est de 300 000 mètres par seconde : on voit le Soleil tel qu’il était 8 minutes plus tôt, la plus proche étoile 4,3 années plus tôt, la galaxie Andromède 2,3 millions d’années plus tôt. Explorer l’univers, c’est donc voir dans le passé. Et si des extraterrestres avaient pu observer la Terre lorsqu’elle était une boule de neige, qu’en auraient-ils déduit ?

Avec ou sans nous, la Terre poursuivra son histoire. L’homme n’est qu’un (bref) compagnon de voyage sur sa route. Mais il a acquis, fruit(s) d’une longue évolution, un gros cerveau, une conscience, la capacité de réfléchir, d’agir, de s’interroger sur ses origines, de questionner son avenir et même d’explorer, du moins à l’aide d’instruments et de robots, d’autres mondes. Alors que nous entrons dans l’ère de l’anthropocène, c’est davantage le devenir de l’humanité que celui de la planète qui est incertain. La planète s’en remettra. Toutefois, les conditions, dont le contexte climatique, ne seront pas toujours favorables à la vie : le Soleil chauffe de plus en plus et évolue en géante rouge. Les derniers milliards d’années de l’histoire de la Terre seront peut-être sans vie, parce qu’elle n’aura pas su s’adapter sans eau et sans photosynthèse – à l’image de ce qui est advenu sur Vénus. La vie aura accompagné la Terre pendant très longtemps. Et c’est une bonne nouvelle pour ceux qui cherchent de la vie ailleurs…

Représentation schématique des étapes de la vie du Soleil.
© WC/Tablizer

Schéma comparatif de la taille d’une géante rouge, Aldébaran, et du Soleil.
© WC/historicair