Chargement...

Séléctionnez un chapitre

1482 - 1499Léonard et les Sforza

Refermer la timeline

Dans les carnets
de Léonard

500 ANS APRÈS

Découvrez son histoire

À la simple évocation de son nom, résonne en nous l’image d’un inventeur génial, d’un savant éternel et d’un artiste magistral. Léonard de Vinci initia la méthode scientifique, fondée sur l’hypothèse et l’observation. Une approche empirique de la science qu’il mettait avant tout au service du réalisme de ses peintures. Léonard bâtissait des ponts entre les disciplines scientifiques que nous connaissons aujourd’hui en étudiant les nombreuses facettes d’un même phénomène.

« Il y eut une fois Quelqu’un qui pouvait regarder le même spectacle ou le même objet, tantôt comme l’eût regardé un peintre, et tantôt en naturaliste ; tantôt comme un physicien, et d’autres fois, comme un poète : et aucun de ces regards n’était superficiel. »

Paul Valéry

Tout ce que nous savons des travaux de Léonard provient de ses fameux Carnets. Rassemblés en Codex et conservés aux quatre coins de l’Europe, ils représentent 6 000 feuillets d’observations, d’inventions et de réflexions. Quarante années de travaux qui inspirent encore les scientifiques contemporains.

Partez aujourd’hui à la découverte de quelques recherches actuelles qui en découlent ; qu’elles en reproduisent les principes ou qu’elles en soient les évolutions logiques, l’esprit de Léonard y est encore bien présent.

Chapitre 1

1452 - 1466

Léonard devint de Vinci

Léonard devint de Vinci

Commencer le chapitre

De l’enfance de Léonard, on sait finalement peu de choses : né en 1452 à Vinci en Toscane, il est issu d’une famille aisée et a vécu ses premières années dans un hameau au nord de la ville.

Enfant plutôt solitaire, il apprend à écrire tout seul ; gaucher, il développe une curieuse aptitude à l’écriture spéculaire. La campagne de son enfance devient le terrain de ses premières observations, qu’il croque déjà sur de petits carnets. Parmi eux, son premier paysage de la vallée de l’Arno, daté de 1473.

Le premier dessin connu de Léonard, Paysage de la vallée de l’Arno. © Wikimedia commons/Musée des Offices – Domaine public

Extrait de “Sur les pas de Léonard”, web-documentaire sur la vie et l’œuvre de Léonard de Vinci. Une version interactive de ce web-documentaire est disponible en ligne sur le site du Renaissance Transmédia Lab © Centre d’études supérieures de la Renaissance (UMR 7323) – Vlam ! Productions

« Da Vinci », le patronyme que nous connaissons aujourd’hui, signifie simplement qu’il est originaire d’un petit village nommé Vinci.

Professeur des universités en Histoire, Pascal Brioist revient près de la maison où aurait vécu Léonard, en compagnie de Carlo Vecce, professeur de littérature italienne à l’Université de Naples.

Chapitre 2

1466 - 1477

L'apprentissage

L'apprentissage

Commencer le chapitre

Encore jeune adolescent, Léonard quitte le village familial et part suivre son apprentissage à Florence où son père, Ser Piero, exerce le métier de notaire.

En 1466, sur la recommandation de ce dernier, il intègre l’atelier du célèbre Andrea del Verrocchio qui tenait alors l’une des plus importantes bottega de Florence. À ses débuts, il y apprend à broyer les couleurs, préparer les enduits, tailler les pointes d’argent ou encore sculpter la glaise.

Plus tard, il participe au chantier de la cathédrale de Florence, et s’affaire plus particulièrement sur la sphère de cuivre géante qui couronne la lanterne du Dôme. Léonard développe également son appétence pour la sculpture, dont aucune n’est malheureusement parvenue jusqu’à nous.

Portrait d’Andrea Verrocchio. © Wikimedia commons/Domaine public

L’Annonciation, un tableau attribué à Léonard de Vinci alors qu’il était encore membre de l’atelier de Verrocchio, vers 1473/1475. © Wikimedia commons/Domaine public

Dans les ateliers de Verrocchio, il réalise pour son propre compte l’Annonciation en 1473 et commence à recevoir ses premières commandes. Mais la concurrence est rude entre les différents ateliers de Florence et Léonard peine à y trouver sa place. Il rejoint à cette époque la guilde de Saint-Luc, une organisation corporative qui regroupe des peintres et des docteurs en médecine florentins.

À Florence, Léonard découvre les livres et en particulier les textes antiques. Dans sa liste de lecture, on retrouve Dante, Pétrarque, Boccace, des poètes et écrivains florentins. Mais un ouvrage en particulier, L’histoire naturelle de Pline l’Ancien, le passionne.

Léonard n’a pas fait d’études universitaires classiques, interdites à cette époque aux enfants illégitimes, il lira donc ces ouvrages non pas en latin, mais dans leurs traductions italiennes.

Histoire naturelle, Pline l’Ancien © Wikimedia commons/Domaine public

Chapitre 3

1478 - 1482

L'atelier florentin

L'atelier florentin

Commencer le chapitre

Désormais jeune adulte, Léonard décide de voler de ses propres ailes. Il ouvre son atelier en 1478 à Florence à l’âge de 26 ans.

Très vite, il reçoit ses premières commandes, notamment pour un Saint-Jérôme pénitent, et pour, en 1481, un grand tableau d’autel pour le couvent augustin de San Donato à Scopeto – l’Adoration des mages, conservée à la Galerie des Offices de Florence. Léonard a réalisé pour ce tableau de nombreux dessins et esquisses préparatoires.

L’Adoration des mages de Léonard de Vinci. © Wikimedia commons/Uffizi Gallery – Domaine public

Carte de Toscanelli, vers 1463. © Wikimedia commons – Domaine public

C’est aussi à cette époque qu’il fait ses premiers pas dans le “haut savoir” ; il se lie d’amitié, entre autres, avec le mathématicien et cosmographe Paolo Toscanelli del Pazzo qui l’initie à l’astronomie et aux nouvelles méthodes de la cartographie savante ou au grec Giovanni Argyropoulos, un spécialiste d’Aristote.

Parallèlement, il apprend à jouer de la lira da braccio, l’ancêtre du violon. C’est d’ailleurs pour ses talents de musicien qu’il se résout à partir pour Milan, laissant inachevées, hélas, ses oeuvres entreprises. En 1482, il rejoint la cour de Ludovic Sforza, dit le More, sur les recommandations d’un autre mécène, Laurent de Médicis.

DANS LES CARNETS DE LEONARD

La musique
dans la peau

Léonard est, paraît-il, un extraordinaire joueur de lyre à bras. Et pour cause, la musique est présente tout au long de sa vie d’artiste. Elle l’a été dans l’atelier de Verrocchio, dont l’inventaire mentionne un luth, et elle le sera à la cour de Ludovic Sforza pour laquelle Léonard imagine de nombreux spectacles. Le florentin joue aussi bien à partir de partitions savamment composées qu’il met à profit ses talents d’improvisateur. À noter que son goût pour la musique le porte davantage vers la musique populaire que vers la tradition musicale classique.

Il va même jusqu’à créer lui-même des instruments. Conséquence de la rencontre des disciplines qui caractérise son travail, le conception de certains d’entre eux a à voir avec l’anatomie. Ainsi, Léonard conçoit une lyre en forme de tête de dragon et une autre en forme de tête de cheval, tout en argent, dont les sonorités harmonieuses enchantent ses auditeurs. Il mène d’ailleurs de nombreuses réflexions et hypothèses sur l’acoustique.

Joueur de lira del braccio, vers 1500. © Wikimedia commons/Bartolomeo Montagna – Domaine public

“Le son qui demeure ou semble demeurer dans la cloche après qu’elle a été frappée, réside non en elle, mais dans l’oreille de l’auditeur, laquelle retient l’image du coup de cloche entendu et ne la perd que lentement et graduellement, comme l’impression du soleil créée dans l’œil ne se perd et ne devient invisible que par une lente progression.” (C. A. 332 v. a)

Dans les laboratoires

La guitare est l’un des instruments les plus populaires au monde. Et pourtant, les relations entre les matériaux utilisés, la géométrie ou l’assemblage de l’instrument et le son final sont encore mal comprises.

Dans cette vidéo, des chercheurs tentent de percer les secrets de l’instrument fétiche de Django Reinhardt, Eric Clapton et Jimi Hendrix. © CNRS Images, 2017, réalisation Lucie Benhamou Regarder la vidéo

Chapitre 4

1482 - 1499

Milan et les Sforza

Milan et les Sforza

Commencer le chapitre

En 1482, Léonard met le cap sur Milan, laissant derrière lui L’Adoration des mages inachevé. Son objectif : intégrer la cour de Ludovic Sforza, à Milan, dont la famille dirige le duché depuis une trentaine d’années. La capitale lombarde est alors prospère, à l’image de sa sœur Florence.

Pour ce faire, Léonard se plie à l’exercice de la lettre de candidature, comme tout demandeur d’emploi. Il y met en avant ses compétences d’ingénieur militaire, dont il pressent que les Sforza auront besoin pour assurer leur domination sur la ville.

Portrait de Ludovic Sforza. © Wikimedia Commons/Castle Trivulzio Library – Domaine public

Trois ans après son arrivée, et alors que sa lettre n’a pas convaincu, une épidémie de peste s’abat sur Milan. En réaction, Léonard pose alors les principes visionnaires d’une cité idéale, ville nouvelle et hygiéniste dans laquelle prime la gestion des flux et l’évacuation des déchets. Il fréquente des artisans hydrauliciens et commence également à s’intéresser aux machines volantes.

Parallèlement, Léonard, qui ne parlait que Toscan, commence à apprendre le latin, langue des intellectuels et des sphères de pouvoir. Cet apprentissage lui ouvre la porte à de nouveaux savoirs et lui permet aussi d’enrichir son vocabulaire descriptif.

Projet de ville idéale (vers 1485). © Wikimedia Commons – Domaine public

En 1489, il entre enfin au Castello Sforzesco, le château des Sforza, sous la protection de Ludovic Sforza. Il organise pour le compte du duc des spectacles à effets spéciaux et travaille également sur des pièces d’artillerie.

En 1499, les troupes françaises de Louis XII prennent Milan, marquant également le départ de Léonard après près de 20 ans passés dans la ville.

Le château de la famille Sforza, Castello Sforzesco, à Milan. © Wikimedia Commons/zheng.yan – CCA Share Alike 4.0 International

DANS LES CARNETS DE LEONARD

Pourquoi les arbres
ont-ils cette forme ?

L’observation minutieuse de son environnement permet à Léonard de Vinci d’enrichir ses propres créations. Ses productions artistiques en ont notamment bénéficié, à l’image de la Sainte Anne, dont la structure des arbres présente un réalisme saisissant.

Léonard établit ainsi, par l’observation, une relation entre le diamètre du tronc d’un arbre et le diamètre de ses branches. Il dicte une loi, encore suivie de nos jours : dans un arbre, la somme des sections des branches portées par un tronc est égale à la section de ce tronc. Autrement dit, le tronc se divisant en branches, puis les branches en d’autres branches, la somme des diamètres d’un même niveau de branches est égale au diamètre du tronc. Cependant, Léonard ne présente que peu d’hypothèses quant à la raison de cette loi semblant régir la croissance des arbres.

Détail du tableau La Vierge, l’Enfant Jésus et sainte Anne. © Wikimedia commons/Musée du Louvre – Domaine public

« Dans la nature, tout a toujours une raison. » — Léonard de Vinci

dans les laboratoires

Lutte contre le vent, compétition pour accéder à la lumière : Zeste de Science vous invite à découvrir les récentes recherches qui apportent des explications aux observations de Léonard de Vinci. Regarder la vidéo

Chapitre 5

1499 - 1503

Parenthèse vénitienne

Parenthèse vénitienne

Commencer le chapitre

Après avoir quitté les Sforza et Milan, envahie par les troupes françaises, Léonard se rend à Venise en février 1500. Le sénat y réclame un ingénieur militaire de toute urgence.

En tant qu’expert en hydraulique, il est chargé de transformer le fleuve Isonzo en barrière infranchissable contre les Turcs de l’armée ottomane qui menacent la République de Venise. 

 

Venise, le Grand canal (huile sur toile de B. Bellotto). © Wikimedia commons/Getty center – Domaine public

Portrait de César Borgia, d’après Bartolomeo Veneto. © Wikimedia commons/Museo nazionale del Palazzo Venezia – Domaine public

Pour cela, Léonard met au point un barrage mobile pour noyer les troupes adverses, mais celui-ci n’est finalement pas réalisé. Il travaille également à l’amélioration d’une multitude de dispositifs dans l’hypothèse d’un affrontement sous-marin avec la flotte turque : des tubas, des poches d’airs pour les plongeurs, des scaphandres ou encore des outils pour percer les coques des bateaux.

Malgré cette grande productivité, Léonard quitte Venise pour Florence trois mois après son arrivée. Alors qu’il fête ses 50 ans, il se met au service de César Borgia. Le fils du Pape Alexandre VI est alors en pleine expansion de sa principauté dans le centre-nord de l’Italie. César Borgia nomme Léonard architecte et ingénieur général, avec la mission de dresser un inventaire des forteresses nouvellement conquises.

Léonard devient alors son cartographe attitré et réalise de nombreux relevés cartographiques comme dans le port de Piombino, sur la côte ouest, et le Val di Chiana, en Toscane.

Mais ses activités d’ingénieur n’éloignent pas Léonard de la peinture. Pendant cette période, il est notamment chargé d’exécuter un retable sur le thème de Saint-Anne, la Vierge et l’Enfant pour l’Église de la Santissima Annunziata.

Carte de la Toscane et du Val di Chiana, Léonard de Vinci. © Wikimedia commons/Royal Library – Domaine public

DANS LES CARNETS DE LEONARD

Cartographe
les pieds sur terre

Les deux pieds sur la terre ferme, sans avion ni satellite, Léonard de Vinci a contribué à l’émergence de la cartographie moderne. Vers 1502, il est chargé par César Borgia de cartographier la ville fortifiée d’Imola, à 70km au nord de Florence. La carte qui en résulte peut paraître ordinaire, mais elle ne ressemble alors à aucune autre.

À cette époque, les plans de villes sont essentiellement représentés en vue oblique, ce qui a pour effet de masquer certaines routes et certains bâtiments. Aucun d’eux ne se ressemble car il n’existe pas encore de conventions pour les représentations urbaines. L’originalité de la carte d’Imola est de représenter la ville en vue zénithale et, ce, avec une précision rare pour l’époque. En se basant sur de précédents relevés, mais également en mesurant les angles de chaque coin de rue à l’aide d’un goniomètre et les distances qui les séparent à l’aide d’un odomètre, Léonard de Vinci parvient à cartographier l’entièreté de la cité. Il s’agit du premier exemple connu d’un plan de ville réalisé ainsi. Une telle carte a nécessairement une utilité fonctionnelle, politique et militaire.

Plan d’Imola par Léonard de Vinci. © Wikimedia commons/Royal collection – Domaine public

En effet, César Borgia venait alors de prendre le contrôle d’Imola trois ans auparavant. Sa volonté est donc d’avoir une idée précise des fortifications de la ville dans l’éventualité de les renforcer. Connaître son territoire et le représenter permet de mieux le contrôler. C’est à cette époque, au XVIe siècle, que la cartographie urbaine acquière toute sa légitimité. Les plans de villes deviennent des objets techniques et non plus seulement des représentations artistiques. On parlait d’ailleurs de “portraits” de villes.

« Les géomètres et les cartographes d'aujourd'hui peuvent être fiers de savoir que Léonard a insufflé à notre art son indescriptible grâce. Léonard de Vinci était un géomètre et cartographe extraordinaire. C'était l'un des nôtres. C'était un maître de la Terre. » — Brian S. Blevins au congrès de la fédération international des géomètres de 2010

dans les laboratoires

Voler, une des plus belles obsessions de Léonard de Vinci, est devenue réalité au tout début du XXe siècle. Depuis, la photographie aérienne a joué un rôle indispensable, avec l’imagerie satellite, dans la cartographie des terres occupées par l’être humain. Pour s’affranchir de leurs limites, le début du XXIe siècle a vu l’essor de nouvelles techniques de télédétection comme le Lidar.

Grâce à cette méthode de détection laser, des scientifiques sont parvenus à révéler l’existence de vestiges Mayas inconnus cachés sous la jungle Guatémaltèque. Zeste de Science et Passé sauvage vous racontent comment ils ont été détectés et cartographiés. Regarder la vidéo

DANS LES CARNETS DE LEONARD

Un pont pour les
enjamber tous

En 1482, dans sa lettre à Ludovic Sforza, dit le More, Léonard de Vinci explique qu’il peut construire « des ponts extrêmement longs et résistants ». Et de fait, il éprouve rapidement ses talents. Vers 1502-1503, Léonard écrit une lettre au Sultan ottoman Bajazet II pour lui proposer les plans de construction d’un pont enjambant le Bosphore, point symbolique entre l’orient et l’occident. Il imagine un pont à tablier sans précédent : 360 mètres de long, 24 mètres de large et 60 mètres de haut à son point le plus élevé, juste au-dessus de la Corne d’Or. Ce projet monumental répondait notamment à la problématique de résistance au vent, incarnée par les deux arcs elliptiques, une intuition résolument moderne.

Manuscrit L, Léonard de Vinci. © RMN-Grand Palais (Institut de France)

Sans que l’on en connaissance exactement les raisons (erreur de traduction ? projet trop ambitieux et coûteux ?), l’étude de Léonard est abandonnée.

dans les laboratoires

Il faudra attendre un peu moins de cinq siècles pour que les esquisses de Léonard ressurgissent, redécouvertes en 1995 par un artiste norvégien, Vebjørn Sand. En 2001, il établit une réplique du pont du Bosphore ; moins monumentale, tout en bois, c’est aujourd’hui une passerelle pour cyclistes et piétons enjambant une autoroute près d’Oslo.

Le pont de la Corne d’or au Clos Lucé. © Léonard de Serres

Quelques années plus tard, en 2016, le Château du Clos Lucé a rassemblé 30 professionnels qui ont oeuvré pendant plus de 3 500 heures pour la réalisation du pont de la Corne d’Or à partir du dessin original. 10 fois moins grand, d’une surface 100 fois moins importante et d’un volume 1 000 fois réduit, ce pont, installé dans les jardins du Château, long de 22 mètres, haut de 2,80 mètres, restitue l’idée de Léonard de Vinci sur les vestiges de son dernier atelier.

Pour en savoir plus sur les ponts de Léonard, consulter le Manuscrit B, fol. 23r et dans le Codex Atlanticus, fols. 55r, 57v, 58v, 183r, 855r et 902b-v.

Chapitre 6

1503 - 1509

Le retour à Florence

Le retour à Florence

Commencer le chapitre

En 1503, Léonard quitte Venise et César Borgia pour Florence où il est attendu comme ingénieur militaire. Et pour cause, Florence est en conflit ouvert avec la ville de Pise. Sa mission est de sécuriser les défenses d’une forteresse dans la vallée de l’Arno, tout juste capturée à l’ennemi.

L’enjeu est de taille. Léonard étudie la possibilité de détourner le fleuve en creusant un canal afin de relier Florence à la mer – et priver ainsi Pise de ses ressources. Mais les difficultés s’accumulent et le chantier, à peine commencé, est emporté par une terrible tempête. Le 16 octobre 1504, les Florentins perdent la bataille. Malgré ces infortunes, la réputation de Léonard, elle, est sauve car le chantier a été finalement confié à un autre que lui.

Plan de Florence, vers 1490, par Hartmann Schedel. © Wikimedia commons – Domaine public

Étude de chevaux pour la fresque La bataille d’Anghiari. © Wikimedia commons – Domaine public

L’insatiable Toscan est sur un autre projet : voilà que depuis l’été 1503, il travaille au portrait de la jeune femme d’un marchand de soie florentin, Monna Lisa. Ce tableau, jugé aujourd’hui bien mystérieux, occupe Léonard jusqu’en 1506 – il s’y remettra, pour le parfaire touche par touche, de 1510 à 1515. Jamais livré à son commanditaire, c’est François Ier qui en fera l’acquisition quelques années plus tard.

À la décharge de Léonard, une nouvelle commande, fin 1503, vient bouleverser sa relative tranquillité florentine : la Seigneurie lui demande une fresque, pour la salle du Grand Conseil de la République, représentant la bataille d’Anghiari, victoire des Florentins sur les Milanais en 1440 – jamais terminée.

C’est dans ce contexte qu’il rencontre Michelangelo Buonarroti. Le jeune peintre travaille à une autre bataille. Mais les deux hommes ne s’apprécient guère. Le succès que rencontre Michel Ange à la livraison de sa fresque froisse Léonard.

C’est à cette époque, également, qu’il poursuit ses travaux sur le vol des oiseaux dont on retrouve de nombreux dessins dans le Codex de Turin : il rêve sans cesse de parvenir à percer le secret du vol.

Mais en 1506, Léonard doit partir pour Milan : son perfectionnisme aura eu raison de lui. Il est tenu d’y régler un litige juridique qui l’empresse de terminer la seconde Vierge aux rochers pour la confraternité de l’Immaculé. Entre autres projets de fortifications, Léonard accueille, en 1507, un nouvel apprenti : Francesco Melzi. La même année, il est rappelé à Vinci où son cher oncle vient de mourir.

À Florence, dans les derniers mois de sa présence, Léonard s’intéresse à l’anatomie. A l’hôpital Santa Maria Novella, il dissèque deux cadavres, celui d’un vieillard et celui d’un enfant et dessine des planches anatomiques – organes de reproductions, mouvement de la pompe cardiaque, vivisection sur un porc… Pour lui, il s’agit de rendre compte du fonctionnement de la machine corporelle. Prolifique, Léonard poursuit également ses travaux sur l’eau et les tourbillons, sur la géologie, la climatologie, l’arithmétique, toujours à la croisée du scientifique et de l’artiste.

01 03

Étude du système cardiovasculaire et des principaux organes féminins. © Wikimedia commons – Domaine public

Étude anatomique du foetus dans l'utérus. (Photo L. Viatour). © Wikimedia commons – Domaine public

Étude des muscles et du système circulatoire. (The Royal Collection © 2009 Her Majesty Queen Elizabeth II) . © Wikimedia commons – Domaine public

DANS LES CARNETS DE LEONARD

Les tourbillons
de Léonard

Sur des centaines de pages de ses carnets, Léonard esquisse des tourbillons. L’ « homme sans lettre », qui apprendra le latin sur le tard, prend l’habitude de développer, traduire ses idées par le dessin. Et les mouvements de l’eau et de l’air semblent avoir fascinés l’ingénieur comme le peintre : il trace ces formes turbulentes de manière obsessionnelle et y appose, à côté, ses hypothèses, ses réflexions, ses observations nouvelles.

De fait, Léonard tranche avec les paradigmes de l’époque sur la description des fluides tout en s’en inspirant. Il propose d’unifier les fluides, eau et air :

« Le mouvement de l’eau dans l’eau procède comme celui de l’air dans l’air » (C.A 108 v. a).

Il représente les mouvements de l’eau et de l’air par des lignes de courant inventant ainsi un nouvel objet théorique, le tourbillonturbo, en latin, signifie foule en désordre, multitude. Il postule de différents états pour ces turbulences :

« Des tourbillons superficiels et de ceux qui se forment en différentes profondeurs. De ceux qui comprennent la totalité de cette hauteur ; des mouvants et des stables, des longs et des sphériques. De ceux dont le mouvement se modifie, et ceux qui se divisent, et ceux qui s’absorbent en ces tourbillons auxquels ils s’unissent ; et ceux qui mêlés à l’eau tombante et réfléchie la font tournoyer. » (Manuscrit F 2r.).

Étude sur les turbulences. © Wikimedia commons – CCA – Share Alike 2.0 France

Ainsi, ses notes le montrent, le mouvement est au coeur de ses pensées : en tant qu’artiste qui cherche à croquer l’agitation du monde ; en tant que scientifique qui tente de comprendre et de décomposer les lois de la nature pour simplifier et maîtriser les phénomènes qu’il étudie – l’eau, les fleuves, les moulins, les marais, les crues, qu’il juge dévastatrices, ou encore nombre d’instruments hydrauliques.

dans les laboratoires

Les travaux de Léonard de Vinci continuent d’inspirer la recherche. On lui attribue aujourd’hui la paternité du mot « turbulences ». Un terme que l’on retrouve dans l’un des grands domaines de la science qui mobilisent toujours les chercheurs : la physique des écoulements turbulents.

Mais ses écrits restent ignorés jusqu’en 1880 et l’édition par Richter d’une sélection de ses manuscrits. Il faudra donc attendre plus de 400 ans avant que ses travaux sur la turbulence des fluides ne soient repris par Osborne Reynolds, ingénieur et physicien irlandais, à la fin du XIXe, ouvrant ainsi une nouvelle page de l’histoire des sciences.

500 ans après sa mort, une équipe de chercheurs franco-italiens (laboratoire LHEEA / CNRS / CNR) s’est attachée à modéliser avec les outils actuels l’un des dessins les plus fameux du Toscan. Et, sans surprise, les éléments que Léonard de Vinci avait pu observer intuitivement, comme les vortex profonds, les vortex de surfaces ou les turbulences, ont été retrouvés par des simulations modernes.
Regarder la vidéo

DANS LES CARNETS DE LEONARD

Entendre les
mouches voler

Après avoir émis l’hypothèse que le bourdonnement des mouches ne provenait pas de leur bouche mais de leurs ailes, Léonard le prouve dans une expérience à base… de miel.

« Que le bruit produit par les mouches provient de leurs ailes, tu le remarqueras en les coupant un peu, ou mieux en les enduisant légèrement de miel de façon à ne pas les empêcher complètement de voler ; et tu constateras que leurs ailes en se mouvant font un bruit rauque […] dans la mesure où le libre usage des ailes se trouvera entravé. » (Feuillet A 15v.).

Léonard ne s’arrête pas là puisqu’il observe également le mouvement de ses ailes.

« La mouche qui plane en l’air bat des ailes avec vélocité et grand bruissement, en les élevant de toute leur longueur au-dessus de la position horizontale. Elle les avance obliquement, […] et en les abaissant, elle frappe l’air ; ainsi elle s’élèverait un peu si son inclinaison ne faisait pencher son poids vers la direction opposée » (G 92 r.).

Mouche truffigène. © Wikimedia commons/Encyclopédie autodidacte Quillet – Domaine public

Cette observation attentive du comportement animal, Léonard l’a également pour les papillons et les fourmis, et de nombreux autres animaux.

dans les laboratoires

Si on lâche une mouche, elle ne va pas forcément s'envoler, elle peut aussi… tomber et s’écraser ! Le comportement de la fille de l’air intéresse toujours les scientifiques. Ils étudient sa capacité à contrôler sa trajectoire quand elles est en chute libre. Zeste de Science vous dit tout. Regarder la vidéo

Chapitre 7

1509 - 1512

Léonard l'expérimentateur

Léonard l'expérimentateur

Commencer le chapitre

Désormais de nouveau installé à Milan, Léonard continue d’y développer son expertise dans le domaine de l’hydraulique auprès des grands maîtres de la discipline, qu’il mettra en œuvre sur le fleuve de l’Adda en 1510.

Vers 1509, il séjourne dans les Alpes bergamasques, au nord de la ville de Bergame. Un voyage motivé par son intuition des “origines” de la Terre et son intérêt pour l’étude des strates géologiques, au cours duquel il observe et dessine des fossiles marins au sommet des montagnes.

De retour à Milan, il achève fin 1509 la Léda et s’affaire sur La Vierge, l’Enfant Jésus et sainte Anne. Il entreprend l’année suivante un nouveau tableau, désormais exposé au Louvre : un Saint Jean-Baptiste androgyne, main droite vers le ciel, esquissant un sourire délicat – Salaï, son apprenti préféré, pourrait en avoir été le modèle.

Saint Jean-Baptiste. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski

Étude anatomique de l’épaule et du cou, Léonard de Vinci, vers 1510. © Wikimedia commons/Royal collection – Domaine public

Vers 1510, sa curiosité le pousse à se rendre dans la ville proche de Pavie pour une fois de plus approfondir ses connaissances en anatomie. Il y suit les cours du médecin Marcantonio della Torre grâce auquel il pourra encore améliorer son aptitude à la dissection. Après s’être longuement penché sur le fonctionnement technique du corps humain, il s’intéresse davantage à comprendre l’origine du mystère de la vie.

À la mort de son professeur en 1511, plus rien ne le retient et il revient à Milan. C’est dans ces années-là que le contexte diplomatique se tend. Venise et d’autres États italiens se liguent contre la France et s’emparent de Milan, contraignant Léonard à fuir définitivement la ville en 1513.

DANS LES CARNETS DE LEONARD

La Terre, un
puzzle géant ?

C’est sans doute dans La Vierge aux rochers que le constat est le plus saisissant : au premier et en arrière-plan, on remarque la complexité et la finesse des paysages naturels de Léonard. Et de fait, les ramifications des arbres, la croissance des plantes, les tourbillons de l’air et des océans, les stratifications des sols, les plissements et drapées des montagnes : dans ses carnets, il multiplie, inlassablement, les études et dessins préparatoires pour représenter chaque élément de la nature avec une exactitude et une précision scrupuleuses. Léonard rompt ici avec les paradigmes de son temps : ni le récit biblique du déluge ni d’autres cosmogonies mythiques ne semblent le convaincre parfaitement de l’origine des fossiles qu’il croque.

Aussi écrit-il dans ses carnets, sur les coquillages et leur fossile :

« Presque tous les mollusques pétrifiés dans les rochers des montagnes ont conservé autour d’eux leur empreinte naturelle, notamment ceux qui étaient assez avancés en âge pour avoir été préservés par leur dureté alors que les plus jeunes, déjà, calcifiés en grande partie furent perméables à l’humidité visqueuse et pétrifiante ».

Pour Léonard, tout n’est ici – comme toujours chez lui – que mouvement. Il s’appuie sur les littératures antiques et médiévales pour développer son intuition ; il avance l’idée d’une terre creuse, d’une terre remplie d’eau – qui remonte, modèle les sols et les vallées, et érode les montagnes – sans parvenir, néanmoins, à une théorie satisfaisante.

La Vierge, l’Enfant Jésus, saint Jean-Baptiste et un ange, dite la Vierge aux rochers. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski

Professeur des universités en Histoire, Pascal Brioist évoque les expériences de de Vinci dans les domaines de la physique et de la géologie, avec Domenico Laurenza, historien des sciences à l’université de Florence.

Extrait de “Sur les pas de Léonard”, web-documentaire sur la vie et l’œuvre de Léonard de Vinci. Une version interactive de ce web-documentaire est disponible en ligne sur le site du Renaissance Transmédia Lab © Centre d’études supérieures de la Renaissance (UMR 7323) – Vlam ! Productions

dans les laboratoires

« Et si tu veux dire que la nature a fait naître les coquillages sous l’influence des étoiles, comment expliqueras-tu que cette influence produise en un même endroit des coquilles de dimensions variées et différentes quant à l’âge et à l’espèce ? Et comment expliqueras-tu que le gravier soit aggloméré et gise par couches superposées à différentes altitudes, sur les hautes montagnes ? (…) Ce gravier n’est autre chose que des débris de pierres émoussés pour avoir longtemps roulé et subi des heurts et chutes durant la course des eaux qui les amenèrent en ce point. » (Manuscrit F 80 v).

Et de fait, quelques siècles plus tard, en 1859, Charles Darwin publie De l’Origine des espèces, le texte fondateur de la théorie de l’évolution moderne. Par la suite, sur les mouvements de la Terre - ou plutôt ses écoulements -, un modèle scientifique vient bouleverser la théorie fixiste jusque là en cours : la tectonique des plaques.

Découvrez avec Zeste de science les dessous de la Terre ; sous la surface, se révèle l’histoire de la Terre et des continents.

© CNRS Regarder la vidéo

Chapitre 8

1513 - 1516

Le séjour romain

Le séjour romain

Commencer le chapitre

En 1513, Léonard part pour Rome et entre au service de Julien de Médicis, frère du pape Léon X. À cette époque, il se heurte à la “concurrence” de Michel-Ange et Raphaël; commandes et missions se font rares.

Le maître Toscan en profite pour se réfugier dans ses recherches sur l’acoustique, l’astronomie, l’alchimie, la géométrie ou encore l’hydraulique. C’est à cette période qu’il se lance dans la construction d’un lion automate, capable de marcher, de s’asseoir et de jeter sur le public une pluie de fleurs de lys. L’objectif est, pour Julien de Médicis, d’impressionner François Ier, le jeune roi français nouvellement couronné. Léonard doit également honorer une commande du pape florentin, une représentation de Jean-Baptiste au désert. Comme toujours, Léonard multiplie les dessins préparatoires et expériences picturales.

Julien de Médicis. © Wikimedia commons/MoMa – Domaine public

Détail d’un dessin de Léonard de Vinci faisant partie d’une série sur les « Déluges » réalisée en 1514. © Wikimedia commons/Royal Collection – Domaine public

Seulement, l’été 1515 reflète certains de ces tourments ; Léonard a 63 ans et ses carnets voient naître les traces d’une fascination pour les déluges, les tempêtes et autres catastrophes naturelles ; c’est que Léonard souffre d’une maladie mal identifiée – il rejoint d’ailleurs une confraternité de Toscans pour se préparer à une « bonne mort”.

Mais l’âge n’a que peu d’emprise sur lui ; toujours aussi avide de connaissances, il fréquente l’hôpital de Santo Spirito pour poursuivre ses expériences d’anatomie – il dessine à cette époque le foetus d’une femme enceinte qui vient de mourir. Il est dénoncé aux autorités et au pape pour ses activités « hérétiques ». L’affaire est étouffée. L’horizon s’éclaircit néanmoins : Léonard part alors pour Florence puis Bologne, accompagnant le pape dans sa suite pour rencontrer François Ier. Une rencontre décisive.

DANS LES CARNETS DE LEONARD

Dans les entrailles
de la vie

Au regard de la précision et du nombre de ses planches anatomiques, 250 environ, il ne fait aucun doute que Léonard a procédé à de nombreuses dissections. Muscles, organes, veines, os, de la tête au pied tout le corps humain y est passé. Dans une de ces planches il décrit avec une extrême exactitude le système urologique. Ses observations sont d’ailleurs marquées de son regard d’ingénieur hydraulicien.

Pascal Brioist, Professeur des Universités en Histoire, rencontre François Rozet, chirurgien urologue à l’Institut Montsouris.

Dessin anatomique du cœur et des artères coronaies, RL 19073r-74v

Extrait de “Sur les pas de Léonard”, web-documentaire sur la vie et l’œuvre de Léonard de Vinci. Une version interactive de ce web-documentaire est disponible en ligne sur le site du Renaissance Transmédia Lab © Centre d’études supérieures de la Renaissance (UMR 7323) – Vlam ! Productions

Pour en savoir plus...

1512, Italie. Léonard de Vinci observe patiemment fondre la cire qu’il vient de mettre à chauffer. Le célèbre artiste se serait-il lancé dans la fabrication d’une nouvelle œuvre ?
Pas tout à fait. Depuis qu’il a commencé à s’intéresser à l’anatomie humaine pour ses dessins, Léonard s’est pris de passion pour… le cœur. Mais savoir comment fonctionne cet infatigable muscle n’est pas chose aisée.

Contenu créé par Sciencetips et le Château du Clos Lucé

Lire la suite

dans les laboratoires

Comment un être vivant complexe se développe-t-il à partir d’une simple cellule ? Par quoi est-il animé ? Ce sont en somme les questions qui ont agité Léonard de Vinci dans ses recherches anatomiques. Bien avant de s’intéresser au lien qu’entretiennent le fœtus et sa mère, il a l’occasion d’observer au cours d’une dissection qu’une grenouille continue d’être animée par des contractions musculaires tant que sa moelle épinière n’a pas été sectionnée.

Aujourd’hui, l’embryologie traite spécifiquement du développement des êtres vivants, de la conception à la naissance.

Longtemps réservée aux seuls biologistes, cette discipline s'ouvre de plus en plus aux physiciens, dont le rôle est de décortiquer les processus mécaniques du développement embryonnaire. Pour Vincent Fleury, biophysicien, l’émergence de la vie découle de contractions s’exerçant sur des amas de cellules plus ou moins rigides, chez l’animal comme chez l’être humain. © CNRS Regarder la vidéo

Chapitre 9

1516 - 1519

Aller sans retour pour la France

Aller sans retour pour la France

Commencer le chapitre

La renommée de Léonard est parvenue à capter l’attention du nouveau monarque François Ier : dès novembre 1515, il est invité à venir en France à la cour du jeune roi, alors âgé de 19 ans et tout juste vainqueur de la célèbre bataille de Marignan.

Mais un tel voyage, le dernier pour le “vieux” Léonard, nécessite une solide organisation. Il quitte définitivement l’Italie à la fin de l’automne 1516 en emportant avec lui ses compagnons de toujours, de nombreux livres, du matériel, ses carnets et certains de ses plus célèbres tableaux pour les offrir au roi – la Joconde, le Saint Jean Baptiste, la Vierge à l’enfant avec Sainte Anne, le portrait d’une dame nue et une Léda debout.

François Ier installe Léonard au Manoir du Cloux – aujourd’hui devenu le Clos-Lucé – à quelques minutes à pieds du château d’Amboise où il séjourne. Il l’honore également d’une confortable pension de 1000 écus ; ainsi Léonard de Vinci peut aisément se consacrer à de nouveaux projets.

Étude pour le tableau Léda et le cygne (Léda debout) de Léonard de Vinci. © Wikimedia commons/Royal collection – Domaine public

Reconstitution de l’atelier de peinture de Léonard au Clos Lucé. © Wikimedia commons/Duch – CCA – Share Alike 4.0 International

Il poursuit ses travaux sur les forces de la nature et les déluges mais également ses missions d’artificier et de « directeur artistique » des fêtes de la cour : en avril 1518, à l’occasion du baptême du dauphin François de France et du mariage de Laurent de Médicis avec Madeleine de la Tour d’Auvergne, fille du gouverneur de Bologne, Léonard confirme son titre de maître de cérémonie. Lion automate, effets spéciaux, jeux d’artifice et costumes, Léonard a toujours le sens de la fête. Somme toute, ces festivités actent les réconciliations entre François Ier et les Médicis.

En parallèle, Léonard s’attèle à un projet titanesque : concevoir, pour le compte de la mère du roi, Louise de Savoie, un palais royal à Romorantin. Léonard a carte blanche : il voit là l’occasion de bâtir sa cité idéale et établit plusieurs plans très astucieux.

Mais malade, paralysé, Léonard de Vinci doit pourtant renoncer. Il passe la main à Dominique de Cortone, lui aussi ingénieur et peintre italien. Le projet de Romorantin est abandonné et laisse place à celui du château de Chambord.

Croquis de Léonard de Vinci du projet de château à Romorantin. © Wikimedia commons – Domaine public

Tableau de Ingres évoquant la mort de Léonard de Vinci dans les bras de François Ier. © Wikimedia commons/Petit Palais – Domaine public

Léonard meurt le 2 mai 1519, quelques mois avant le début du chantier, à l’âge respectable de 67 ans.

Le roi, à ce moment-là retenu au château de Saint-Germain- en-Laye, n’a pas pu recevoir le dernier soupir de léonard – comme le prétend la légende reposant sur le tableau peint par Ingres en 1818. Cette oeuvre rend néanmoins un hommage honorable à celui qui est parvenu à unir les arts et les sciences, et dont les intuitions sont devenues, 500 ans après sa mort, le témoignage de son insatiable curiosité.

DANS LES CARNETS DE LEONARD

Le premier des
biomiméticiens ?

Parmi les effets spéciaux du maître toscan, se démarque son redoutable lion mécanique, commandé par des marchands florentins de Lyon pour l’entrée de François Ier dans leur ville. Si l’original est aujourd’hui perdu, de nombreux témoignages font état de cet étonnant lion articulé.

Dans les carnets de Léonard, on ne trouve ni plan ni esquisse de la bête animée, seulement quelques descriptions des mécanismes permettant une telle prouesse pour l’époque. Un dispositif ingénieux permettait, sur son poitrail, l’ouverture d’une trappe laissant s’échapper une pluie de fleurs de lys. Le lion, symbole de la ville de Florence, le lys, marque de la royauté française : à chaque représentation de l’animate, ce fut un grand succès.

Il y a dix ans, scientifiques et historiens – dont Renato Boaretto, créateur et restaurateur d’automates – se sont ingéniés à reconstituer ce proto-robot au Clos-Lucé.

Reconstitution 3D du lion articulé de Léonard de Vinci © Leonardo3 Machines Collection

Ainsi, Léonard de Vinci est l’un des premiers à faire le lien entre les machines et le vivant et à en concevoir des automates. Une contribution qui a eu un impact notable sur l’imaginaire collectif ; aujourd’hui, de nouvelles technologies s’inspirent largement du vivant pour innover en robotique.

Professeur des universités en Histoire, Pascal Brioist évoque les machines volantes de Léonard avec Liliane Hilaire-Pérez, professeur d’histoire moderne à l’université Paris Diderot.

Extrait de “Sur les pas de Léonard”, web-documentaire sur la vie et l’œuvre de Léonard de Vinci. Une version interactive de ce web-documentaire est disponible en ligne sur le site du Renaissance Transmédia Lab © Centre d’études supérieures de la Renaissance (UMR 7323) – Vlam ! Productions

dans les laboratoires

Apprendre de la nature et du comportement animal pour trouver des solutions innovantes à des problèmes technologiques contemporains : c’est le crédo d’une discipline foisonnante, le biomimétisme. Par son approche interdisciplinaire, Léonard fait là figure de pionnier. Fameux sont également le canard digérateur de Vaucanson ou encore les tortues cybernétiques de Grey Walter.

De fait, depuis une trentaine d’années, la science moderne voit de plus en plus dans la nature une source inépuisable d’inspiration : pour se déplacer dans un environnement dangereux, saisir des objets, éviter ou surmonter des obstacles… On voit là la limitation des robots dits intelligents visant à simuler essentiellement le cerveau humain : nul besoin d’un cerveau pour évoluer sur le terrain.

Rendu imaginaire du canard digestif de Vaucanson dans Scientific American. © Wikimedia commons/Domaine public

Partant de ce constat, les recherches pour développer des robots semi-autonomes inspirés de la nature, notamment pour leur architecture ou leur matériau, sont en plein essor. En s'inspirant de la fourmi du désert qui se guide à la lumière du ciel, une équipe de bioroboticien a ainsi mis au point un robot à pattes capable de se déplacer sans GPS. Voir la vidéo

Pour en savoir plus...

Les ailes des avions du futur inspirés par les rapaces, des médicaments délivrés dans les cellules avec l’efficacité d’un virus, un revêtement antireflet qui imite les yeux du papillon de nuit, et bien d’autres : retrouvez également la fresque « Le vivant comme modèle » retraçant les travaux des chercheurs du CNRS et leurs applications inspirées de la nature !

Voir la fresque

DANS LES CARNETS DE LEONARD

La Joconde, d’ombres et de lumières

« Si tu veux, ô dessinateur, étudier bien et utilement, applique toi à travailler avec lenteur, quand tu dessines, et à déterminer entre les diverses lumières, lesquelles possèdent le plus d’éclat ; et, de même quelles ombres sont plus obscures que les autres, comment elles se confondent, et apprends à comparer leurs dimensions. Pour les contours, observe de quel côté ils se dirigent ; et pour les lignes, quelle partie de chacune s’incurve dans un sens ou dans l’autre ; où elles sont plus ou moins visibles et épaisses ou fines ; enfin, veille à ce que tes ombres et lumières se fondent sans traits ni lignes, comme une fumée. Quand tu seras fait la main et le jugement avec soin, tu en viendras bientôt à ne plus y songer » (Manuscrit A, f. 107v° – 27v°, retranscrit par Melzi dans le Traité de la peinture).

Vers 1490 – 1492, Léonard écrit, dans ce passage célèbre, les principes du Sfumato.

L’identité de la Joconde est aujourd’hui assez bien établie : en 1503, Fernando del Giocondo commande à Léonard un portrait de sa jeune femme, Mona Lisa del Giocondo, née en 1479, qui vient de mettre au monde leur troisième enfant. Miroir de l’oeuvre de Léonard, La Joconde a fait couler bien plus d’encre qu’il n’a fallu de couches de peinture pour la réaliser. Si Léonard avait déjà achevé le visage de la Joconde dès 1503, il aurait parfait son chef d’oeuvre jusqu’en 1513, et sans doute jusqu’aux derniers mois de sa vie. Le Sfumato, ou « l’air épais » qui brouille ses tableaux, est le résultat de cet indissoluble union de l’art et des sciences propre à Léonard.

dans les laboratoires

En 2010, des chercheurs du Centre de recherche et de restauration des Musées de France (C2RMF) – un laboratoire dédié à l’art et ses techniques, situé dans les sous sols du Louvre -, ont levé une part du voile qui recouvrent nombre des peintures de Léonard : L’Annonciation, La Vierge aux rochers, La Belle Ferronnière, Saint Anne, la Vierge et l’Enfant, Saint Jean-Baptiste, Bacchus et La Joconde, objet mythique d’investigation. Car sans aucune trace de pinceau ni aucune limite, le Sfumato habille les oeuvres du Toscan.

Grâce à la spectrométrie de fluorescence à rayons X, les chercheurs ont pu déterminer la composition et l’épaisseur des couches déposées par Léonard de Vinci pour créer ce « fondu » : il apposait de fines couches de glacis - une matière organique qui contient très peu de pigments -, de 1 à 2 micromètres. Au total, cet effet n'est pas plus épais que la moitié du diamètre d’un cheveu. Léonard a ainsi créé par des effets de transparence, des ombres et des lumières. Et, in fine, le sourire iconique de Mona Lisa.
La Joconde a moins de secret © CNRS Images, 2011, Réalisateur Daniel Fiévet Voir le film

Retour
en haut
Le dôme de la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence. Léonard a travaillé sur le globe doré posé à son sommet. © Wikimedia commons/Porras - CCA Share Alike 2.0 Generic
Paolo dal Pozzo Toscanelli, astronome, cartographe et médecin florentin. © Wikimedia commons – Domaine public
L’adoration des mages, tableau inachevé de Léonard de Vinci. © Wikimedia Commons/Uffizi Gallery - Domaine public
La lettre de motivation de Léonard de Vinci adressée à Ludovic Sforza en 1482

Ayant très illustre Seigneur, vu et étudié les expériences de tous ceux qui se prétendent maîtres en l’art d’inventer des machines de guerre et ayant constaté que leurs machines ne diffèrent en rien de celles communément en usage, je m’appliquerai, sans vouloir faire injure à aucun, à révéler à Votre Excellence certains secrets qui me sont personnels, brièvement énumérés ici.

J’ai un moyen de construire des ponts très légers et faciles à transporter, pour la poursuite de l’ennemi en fuite ; d’autres plus solides qui résistent au feu et à l’assaut, et aussi aisés à poser et à enlever. Je connais aussi des moyens de bruler et de détruire les ponts de l’ennemi.

Dans le cas d’investissement d’une place, je sais comment chasser l’eau des fossés et faire des échelles d’escalade et autres instruments d’assaut.

Si par sa hauteur et sa force, la place ne peut être bombardée, j’ai un moyen de miner toute forteresse dont les fondations ne sont pas en pierre.

Je puis faire un canon facile à transporter qui lance des matières inflammables, causant un grand dommage et aussi grande terreur par la fumée.

Au moyen de passages souterrains étroits et tortueux, creusés sans bruit, je peux faire passer une route sous des fossés et sous un fleuve.

Je puis construire des voitures couvertes et indestructibles portant de l’artillerieet, qui ouvrant les rangs de l’ennemi, briseraient les troupes les plus solides. L’infanterie les suivrait sans difficulté.

Je puis construire des canons, des mortiers, des engins à feu de forme pratique et différents de ceux en usage.

Là où on ne peut se servir de canon, je puis le remplacer par des catapultes et des engins pour lancer des traits d’une efficacité? étonnante et jusqu’ici inconnus. Enfin, quel que soit le cas, je puis trouver des moyens infinis pour l’attaque.

S’il s’agit d’un combat naval, j’ai de nombreuses machines de la plus grande puissance pour l’attaque comme pour la défense : vaisseaux qui résistent au feu le plus vif, poudres et vapeurs.

En temps de paix, je puis égaler, je crois, n’importe qui dans l’architecture, construire des monuments privés et publics, et conduire l’eau d’un endroit à l’autre. Je puis exécuter de la sculpture en marbre, bronze, terre cuite. En peinture, je puis faire ce que ferait un autre, quel qu’il puisse être. Et en outre, je m’engagerais à exécuter le cheval de bronze à la mémoire éternelle de votre père et de la Très Illustre Maison de Sforza.

Et si quelqu’une des choses ci-dessus énumérées vous semblaient impossible ou impraticable, je vous offre d’en faire l’essai dans votre parc ou en toute autre place qu’il plaira à Votre Excellence, à laquelle je me recommande en toute humilité.

Dessin d’une écluse sur une rivière par Léonard de Vinci. © Wikimedia commons/Getty center – Domaine public
Portrait de Michel-Ange par Daniele da Volterra. © Wikimedia commons - Domaine public
Cette page du manuscrit de Léonard de Vinci est couverte de croquis de fossiles marins. Le réseau hexagonal pourrait bien représenter le fossile du Paleodictyon, issu des sédiments marins du début du Cambrien. © F 25 v, Baudon
Michelangelo Buonarroti, dit Michel-Ange. © Wikimedia commons/National Museum (Suède) – Domaine public
Autoportrait de Raffaello Sanzio, dit Raphaël. © Wikimedia commons/Galerie des Offices – Domaine public
Portrait par Jean Clouet de François 1er (vers 1515). © Wikimedia commons/Musée Condé – Domaine public
Façade orientale du château de Chambord. © Wikimedia commons/D. Jolivet – CCA 2.0 Generic
Psikharpax, robot-prototype long de 50 cm ayant une morphologie, un équipement sensorimoteur et une architecture de contrôle inspirés de l'anatomie et des circuits nerveux du rat. Le projet Psikharpax est à la fois fondamental (mieux comprendre le fonctionnement du système nerveux d'un mammifère) et appliqué (mise au point d'un robot adaptatif, capable d'autonomie dans le choix de ses buts et de ses actions). © B. Rajau/ISIR/CNRS Photothèque
Portrait d'une dame de la cour de Milan, dit à tort La belle Ferronnière. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado